Les « basiques »
1ère partie
En matière d'habillement, on entend communément parler de « basiques »
— ce qui me fait réagir à chaque fois… Pourquoi ? Pour commencer,
c'est un anglicisme — mais ça n'est pas ça le plus
dommageable — et qu'en français, il est plus approprié de parler des
essentiels ou encore des fondamentaux de la garde-robe citadine. Surtout, dans
chaque article consulté à ce sujet, on retrouve les mêmes pièces, que ce soit
du côté des femmes ou de celui des hommes, car il s'est créé un consensus
général sur les pièces en question qui a complètement viré au cliché. Et
aujourd'hui, ce sont ces clichés que je démonte, au profit de la recherche des
éléments bel et bien fondamentaux, essentiels d'une garde-robe.
Aujourd'hui il existe un consensus général sur les « basiques » de la garde-robe qui a complètement viré au cliché.
Comme la liste de ces clichés – et surtout le décryptage et le démontage que je souhaite vous en proposer - est longue, je vous en parle en deux épisodes.
Vous avez dit « basiques » ?
1ère partie
Aujourd'hui, place au vestiaire masculin. Chez les hommes, les « basiques » sont :
Pour le bas :
-
le jean brut : il est vrai qu'un pantalon en denim se prête à beaucoup de situations différentes et que s'il est bleu sombre, son côté décontracté sera nettement atténué et donnera une connotation élégante à une tenue informelle. Parfait pour ceux qui supportent cette matière toutefois très rigide…
-
le chino : un pantalon en toile de coton plus léger que le denim, donc plus souple et dans lequel le corps respire mieux. On préconise de le porter en beige ou en marine.
-
le pantalon de costume : on ne contraint plus de l'assortir de la veste complémentaire, mais on le choisit traditionnellement marine, noir, ou gris.
Pourquoi ne pas assumer des couleurs plus remarquables que
ces nuances neutres
et « passe partout »
sans passer pour un excentrique?
Remarquons déjà que les couleurs sont limitées à des nuances dites elles aussi
« basiques » et « passe partout », même pour le chino, qui pourtant peut être
olive ou brique, ou encore blanc, et même dans des couleurs claires ou
lumineuses (mais pas nécessairement un vert prairie ou un jaune canari : je ne
vous dit pas d'oser tout, tout de suite comme le font les sapeurs(*)
qui peuvent tout de permettre !), si on les assume et avant tout parce qu'elles
nous vont bien mieux que les teintes « neutres ».
Quant au costume complet,
pourquoi ne serait-il pas en tweed ou en velours (non, pas forcément côtelé et
ringard – un autre velours existe!) donc une matière qui sert de support à un
mélange de couleurs, qui donne une allure folle dans une coupe actualisée (loin
du stéréotype de l'universitaire anglais).
Le premier costume que mon conjoint ait acquis était en drap de laine gris
clair – une couleur peu flatteuse pour lui qui est valorisé par les tons chauds
qu'ils soient sombres ou clairs, et une matière pas assez dense pour lui. Et un
jour, il est revenu avec un costume en lin ivoire – comme nous l'a fait
remarquer notre tailleur favori, c'est très élégant en soi, complètement
adéquat en été, et ça permet de se démarquer (puisque ça n'est pas
« basique »). Enfin, de passage à Bath, en Angleterre, il s'est offert un 3
pièces en tweed dans un mélange marron kaki, moutarde et orange, parfait pour
lui. Un exemple vivant que l'on peut totalement se départir du costume
traditionnel si l'on ne se sent pas à l'aise avec.
Pour le haut :
- le T-shirt blanc ou gris clair chiné à col rond (et non en V) : là, je m'indigne totalement – non, ça n'est pas une pièce indispensable et surtout ça ne va pas à tous les hommes ! Je reprends l'exemple de mon conjoint : le « vrai » blanc ne lui va pas du tout. Et il ne porte pas de T-shirt dans la vie courante, ça ne correspond pas du tout à son style élégant décontracté. Lorsqu'il porte un T-shirt (pas blanc mais olive, comme à l'armée), c'est pour faire du bricolage ou du sport – cela sort donc de la catégorie des fondamentaux de la garde-robe urbaine.
-
la chemise à col à pointes ouvert : en coton ou autre matière naturelle relativement légère ; blanche ou bleu ciel unis – et là aussi, les couleurs sont ultra limitées et on ne parle pas motifs, ce qui ne convient pas non plus à mon exemple favori, qui se permet des chemises de couleurs sombres à motifs fondus (donc toujours très élégantes) en temps habituel et adopte du blanc cassé ou un bleu clair à tendance chaude(**) dans des occasions plus formelles.
Quant au col de la chemise, pourquoi serait-il nécessairement à pointes ?
Le col officier convient très bien à certaines morphologies de cou et de
visage…; quand à ce qu'il soit ouvert, si l'on respecte l'usage d'origine,
il ne devrait pas l'être car, selon les règles du tailoring, on doit porter
la chemise avec une cravate.
Non, le T-shirt blanc ou la chemise bleu ciel ne vont pas à tous les hommes !
-
le cardigan ou le pull à col rond : pourquoi encore un col rond ?? lorsque l'on assume des chemises à motifs, le col V laisse ceux-ci s'exprimer ; et cela met en valeur le cou et le visage de façon dynamique.
-
le blazer : forcément marine ou gris, n'est-ce pas ? — eh non, s'il peut adopter les fameuse couleurs « basiques », comme le chino, il peut aussi servir de support à des couleurs plus flatteuses. Il faut simplement se garder de ne pas faire de mélanges malheureux avec le pantalon. Il s'agit de se distinguer, pas forcément d'être excentrique.
Pour les chaussures :
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une paire de souliers : richelieu ou derby. Effectivement indispensables, en sortant à nouveau des traditionnels marine ou noir : le marron est préconisé si votre garde-robe est dans les tons chauds.
-
des bottines basses : mêmes remarques
-
des sneakers : rappelons qu'il s'agit des chaussures de sport. On peut tout
à fait, consciemment, par choix, vouloir introduire ce côté sportswear dans
son style. On peut aussi ne pas du tout en avoir envie. Les sneakers sont
devenus incontournables, et finalement tellement banals — le comble pour un
élément qui devait apporter un côté subversif aux tenues classiques.
Les « basiques » peuvent vous rassurer mais
ils n'incitent pas à développer votre singularité.
Le problème de ces « basiques » est qu'ils n'incitent pas à développer votre singularité, même dans les étapes premières de la recherche de votre style personnel. Certes, ils rassurent, offrent la garantie d'une certaine élégance, et permettent de s'en sortir dans toutes les circonstances de la vie urbaine. Mais ils sont à adapter, en termes de couleurs et de matières, à ce qui convient réellement à votre personne. Sans cela, elles vous mettent dans un moule, celui de l'homme qui ne prend pas de risques — hormis celui de ne pas être lui-même.
Loin des conseils publiés à la va-vite ou selon des « règles » illusoires, et de façon toujours impersonnelle, le coaching en image permet de maîtriser les bases de la garde-robe de façon à être valorisé pour ce que l'on est vraiment et non devenir un clone de gravure de mode. Comme le dit Julien Scavini(***), « l’élégant intègre quelques règles et les aménage à sa sauce. C’est très bien, la vraie élégance sait se jouer des fameuses règles. »