D'une façon générale, Philippe a les sens de l'esthétique. Il peint, il dessine, et il a été souffleur de verre. Il pratique le « beau ». Question habillement, Philippe dit ne pas avoir conscience de son style. C'est qu'il l'a forgé grâce à une culture pratique, en allant sur le terrain des boutiques, sans théorisation. Et, oui, je sais que cela est possible puisque j'en fais moi aussi l'expérience : pas forcément besoin de lire des articles sur la mode ni de regarder des défilés de haute-couture. Mais avant tout : être déterminé à suivre sa propre voie, être connecté·e à soi, vouloir se faire du bien, avoir envie de se mettre en valeur. Et chercher concrètement ce qui, dans l'habillement, répond à ces besoins.
Au quotidien, Philippe s'habille en conjuguant humeur du moment et ce qu'il envisage de la ou des personnes avec qui il va se trouver dans sa journée. Cela suppose donc une écoute de son ressenti : besoin d'exprimer — selon ses termes — de l'introspection, de l'extraversion, de la densité, de l'intensité, de la luminosité… Et cela montre que pour lui l'habillement ne doit pas être un obstacle à la rencontre avec l'autre et doit être vécu comme relation d'être à être. Dans cette relation, le regard de l'autre permet un dialogue, constitue un miroir instructif, donne une ouverture sur soi-même ; sans prendre l'ascendant sur soi car il est mis à l'épreuve du ressenti personnel, qui doit maintenir le cap intérieur.
Si Philippe n'a pas conscience de son style, en revanche, il sait pourquoi, par exemple, parfois, il laisse sa chemise hors de son pantalon : pas pour faire ce plein de personnes font parce qu'elles ont vu d'autres le faire (et elles aussi sans savoir pourquoi!), pas non plus pour cacher maladroitement un complexe par rapport à sa silhouette. Mais pour exprimer quelque chose de précisément identifié en relation avec son vécu.
Comme il a toujours été dans l'expérience, Philippe sait faire évoluer son style, en fonction de sa vie et de ce qu'il est. Les couleurs ont toujours eu beaucoup d'importance pour lui, et en particulier, il adore le jaune, au point que, plus jeune, il s'est fait offrir une cravate jaune — véritablement osée car, pour commencer, la cravate est tellement peu anodine dans le vestiaire masculin… Et il a toujours composé avec son physique ; aujourd'hui, c'est plus particulièrement avec le blanchiment de ses cheveux, pour profiter de la lumière que cela lui apporte. Il voudrait aussi davantage de fantaisie, de « baroque » et de « loufoque ». Tout en appréciant la sobriété, voire l'ascèse. L'habillement doit être beau et aussi permettre de vivre avec l'énergie du corps, ne pas entraver les mouvements et répondre à un besoin essentiel de liberté.
En somme, cultiver l'art d'être complexe.