Parmi les personnes qui accordent au minimum une certaine importance à leur habillement, j'en vois une majorité qui accumulent des pièces achetées à bas prix(*) : une multitude d'articles cheap qui donnent l'illusion de pouvoir sortir du cercle vicieux de la monotonie vestimentaire… En-dehors de tout intérêt pour la qualité.
Que se cache-t-il là-dessous ? Inversement, quel est l'intérêt de choisir des pièces de qualité pour son habillement ?
Il s'agira de durabilité et d'esthétique mais surtout d'innovation, de plaisir et de distinction…
Nombreuses sont les personnes qui valorisent le fait de ne pas investir d'argent dans leur habillement, tout en ayant de l'allure. Elles éprouvent au fond une sorte de honte à accorder de l'importance à leur habillement, persuadées du caractère superficiel de celui-ci. Elles sont avant tout prises dans la course à « la bonne affaire » et sont obsédées par l'économie pour l'économie. À côté de ces personnes, on trouve celles qui, à l'inverse, choisissent uniquement des pièces onéreuses, essentiellement pour ce que celles-ci repésentent sur le plan social. Une attitude totalement utilitariste, pas du tout au service de l'expression de soi.
Les premières vont mépriser les secondes, s'estimant plus astucieuses, et aussi plus détachées de la charge sociale de l'habillement. Mais est-ce réellement le cas ? Se croire ingénieux ne masque-t-il pas en réalité le besoin d'obtenir l'approbation des autres ?
Renvoyons les deux attitudes dos à dos, manifestations l'une comme l'autre d'un manque total de discernement. Et continuons à explorer la notion de qualité…
Si l'on se prête au jeu du micro-trottoir, on recueille le plus souvent l'idée que la qualité est essentiellement associée à la durabilité. Et effectivement, celle-ci est un facteur important, mais un seul parmi tant d'autres, plus importants, en réalité : ne peut-on pas trouver une meilleure raison pour ce qui constitue notre deuxième peau et notre interface avec le monde ??
Parmi les association d'idées en relation avec la qualité, on trouve aussi très souvent le côté esthétique. Et c'est vrai que ça peut être flagrant en matière d'habillement. En voici un exemple avec deux pulls « basiques », l'un provenant d'une grande enseigne d'entrée de gamme et l'autre d'une marque totalement dédiée à la maille en cachemire.
D'un côté, un pull réellement chaud, en matière naturelle, correctement coupé et adaptable à des silhouettes variées, essentiel mais d'une esthétique durable dans le temps.
De l'autre, un pull qui paraît attrayant (il se veut autre chose qu'un « basique » avec ses détails décoratifs mais il ne peut servir qu'à cela en réalité) et à la matière fragile.
Et il ne s'agit là que d'un élément sur l'ensemble d'une tenue. L'effet est de surcroît exponentiel lorsqu'on compose sa tenue uniquement (ou en grande majorité) de pièces qualitatives. C'est quelque chose qui certes ne s'analyse pas par tout le monde de la même façon que le fait un·e spécialiste de l'habillement, mais qui se perçoit immanquablement, plus ou moins consciemment. Et même si aujourd'hui on est rarement dérangé·e par une allure ordinaire, voire douteuse, compte tenu de la grande tolérance adoptée, en revanche, on se distingue toujours et par tout le monde grâce à une tenue remarquable par son côté qualitatif. Qui va susciter des « Oh mais c'est super joli, ça ! ». Voilà de quoi convaincre de ne pas sacrifier la qualité, même pour des pièces aussi élémentaires qu'un pull simple.
Si certains modèles particulièrement remarquables existent, chez différentes marques et à des prix divers, c'est que leur première version a été créée par une enseigne qui a investi dans un concept et une réalisation inédites —et ça, ça a un coût. Si on trouve aujourd'hui une robe trapèze si facilement, c'est parce que la maison Courrège l'a inventée. Et on est bien d'accord qu'il existe un gouffre entre le prix de ce type de modèle vendu par une marque d'entrée de gamme et celui auquel s'est vendue la création du génial styliste. Et c'est parce que des personnes ont adhéré et ont investi dans cette création inédite, alors qu'aujourd'hui quasiment quiconque peut s'offrir ce type de robe à la fois hyper confortable et totalement stylée.
Pour en venir à un essentiel : le plaisir. Et qu'est-ce qui fait que l'on a du plaisir et de la joie avec un vêtement ? que celui-ci va prendre beaucoup de temps pour se trouer ?? ou qu'il va nous permettre de faire « bonne impression » en société ?? vous l'avez déjà compris, la qualité est ailleurs. Elle réside en particulier dans l'investissement que l'on fournit pour son habillement. Un vêtement de qualité exige que l'on s'y intéresse. L'argent, mais aussi – et surtout – l'énergie que l'on investit à chercher, à trouver et à acquérir ses pièces, puis à réfléchir à la composition de ses tenues, sont à l'origine d'une énorme partie du plaisir que l'on retire en les portant. La curiosité et la créativité, tout comme la nécessaire dose de difficultés à surmonter, procurent une récompense à la hauteur de la sollicitation et de l'effort déployés.
La lassitude que certain·es éprouvent par rapport à l'habillement naît fondamentalement de leur manque d'investissement, et non du fait que l'habillement serait quelque chose de vide et frivole en soi. À l'inverse, l'exemple emblématique des personnes qui se procurent leurs vêtements essentiellement en chinant : en-dehors de l'aspect financier avantageux, elles recherchent avant tout le plaisir procuré par une réelle passion pour l'habillement comme forme d'expression personnelle. « La bonne affaire » laisse alors la place à « la perle rare ».
Privilégier la qualité et « avoir du goût », c'est manifester de l'intérêt, de la curiosité, de la créativité, se donner les moyens d'atteindre ses objectifs, s'engager dans une réelle démarche pour discerner la valeur des choses et non être simplement dans une attitude fonctionnelle. Un des effets secondaires possibles peut être de paraître « beau » ou « belle », ou « charismatique »(**). Mais en réalité, le message non-verbal que l'on envoie est que l'on est créatif·ve, ouvert·e d'esprit, éveillé·e, à la recherche du sens de ce qui nous entoure et a fortiori de ce qui nous touche de près.